Milton C. Work (1864 – 1934) fût une autorité reconnue dans le monde du Whist et du Bridge.
Dans ses écrits, il avait suggéré un nouveau mode d’évaluation des mains au bridge :
As = 4 points, Roi = 3 points etc.
Ce système, d’abord connu comme les points Work, fût ensuite adapté par Charles Goren pour évaluer toutes les mains. Aujourd’hui, on parle simplement de points d’Honneurs.
Il a en outre donné son nom à une technique de jeu de la carte consistant à imposer à l’adversaire un choix entre donner une levée ou en perdre une !
Appelée « Coup de Milton Work », cette technique est aussi connue sous le nom du « coup de la fourchette de Morton ». John Morton, archevêque de Canterbury, était Lord Chancellor du Roi Henry VII d’Angleterre en 1487 (c’est-à-dire Ministre des Finances). Les riches marchands de Londres ne pouvaient échapper à sa « fourchette » car il les piégeait en s’invitant à dîner chez eux :
- soit, ils vivaient sur un grand pied et alors ils pouvaient contribuer aux finances de l’Etat ;
- soit, ils vivaient frugalement, épargnaient beaucoup et donc pouvaient aussi contribuer aux finances de l’Etat.
Certains auteurs parlent aussi de « Contretemps »
La manœuvre de Milton Work est une variante du Contretemps dont nous venons de parler. Il s’agit d’inciter la défense à mettre son As dans le vide, soit dans le but d’affranchir une couleur, soit de voler une levée. Ce genre de coup ou l’adversaire ne peut ni prendre sa levée légitime, ni duquer s’appelle dans le monde anglo-saxon : « le coup de la fourchette de Morton »
Vise-moi un peu l’illustration suivante. Je me souviens l’avoir brillamment traitée à Deauville en 1974, à la table d’Homard Chétif ….
– Ouest avait ouvert d’1♥ et, après une séquence d’enchères amusantes, me voilà à la tête du petit chelem à pique. Ouest entame le R ♣. Je vois le mort s’étaler et souris en me disant : réussir ce chelem est évident ! …… non ?

– Je ne voudrais pas te décevoir, Momo, mais je ne vois pas !
- Je compte 8 levées à ♠, 1 à ♥ et 1 à ♣, je pourrais couper 1 ♥ mais comment ne pas donner la main aux adversaires 2 fois ?
– A ton avis, où se trouve l’As ♦ ?
– Probablement chez Ouest pour justifier son ouverture.
- Eh bien, fais le chanter alors … !!! Il y a cependant une petite astuce que j’étais assez content d’avoir trouvé à la table de champions internationaux : j’ai coupé l’entame, préservant soigneusement l’As ♣ du Mort pour une défausse ultérieure(*) et j’ai extrait l’atout adverse. Ensuite, j’ai pensé à ce cher Archevêque et j’ai déposé, confiant un petit ♦ sur la table. Ouest a grincé des dents et j’ai senti qu’il ne m’offrirait pas un verre au bar après le tournoi, il «chaisa» 20 secondes et décida de mettre son As. C’était gagné ! En effet, l’As de ♣ et la D ♦ serviraient à défausser mes 2 ♥ perdants.
(*) : quand je parlais de défausse ultérieure, cela signifiait que je ne pouvais pas encore savoir de laquelle il s’agissait. En effet, il ne t’aura pas échappé que si Ouest décide de ne pas mettre son As ♦ sur la table, il est alors nécessaire de défausser le R ♦ sur ce fameux As ♣ !! Rigolo, non ….
Dois-je te préparer un comprimé d’aspirine, ou bien tiens-tu le coup ? As-tu apprécié, au moins ?
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